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Incubation, autonomisation et entrepreneuriat au féminin

  • La Rédaction
  • 5 juil.
  • 5 min de lecture

Dernière mise à jour : 6 oct.

En 2020, la Banque Mondiale estimait à seulement 3,6%, le nombre des entreprises dirigées par des femmes étant parvenues à contracter un prêt bancaire contre 10,2% des entreprises dirigées par des hommes.


Mais à ce jour, les choses changent car avec le temps, diverses voix et initiatives ont pris le devant pour rassembler, encadrer, renforcer et structurer les idées de ces femmes qui jadis manquaient de repère.


Avec Madame Anita Youdie Mutima, Coordinatrice de l’incubateur Pull Up Business Women, nous avons exploré l’environnement même du milieu des affaires congolais vue des incubateurs, et l’accent particulier que celui-ci met sur l’entrepreneuriat féminin.


Anita Youdie Mutima MSc, MPH, Epidémiologiste, Administrateur d'entreprises, Administrateur à la FEC et Coach
Anita Youdie Mutima MSc, MPH, Epidémiologiste, Administrateur d'entreprises, Administrateur à la FEC et Coach

L’Entrevue Quel regard portez-vous sur l’action des incubateurs, tous confondus, dans l’accompagnement des projets de création d’entreprise en République Démocratique du Congo ?


Anita Youdie Mutima Les incubateurs jouent un rôle crucial dans l’écosystème entrepreneurial en RDC, et cela de manière bien stratégique et structuré. Ils viennent en appui aux multiples porteurs d’idées et les accompagnent jusqu’à transformer les idées en entreprises pérennes. Dans un monde où plusieurs porteurs d’idées cherchent à se lancer dans l’entrepreneuriat, les incubateurs apportent une réponse concrète à un besoin fondamental : celui d’un accompagnement de proximité, personnalisé, qui prend en compte les réalités locales. On parle souvent d’entrepreneuriat, mais sans les bons outils, les bonnes connexions, et un cadre favorable, les idées les plus brillantes restent à l’état de rêve.

"Le rôle du Ministère de l’industrie est non négligeable, car il définit les politiques publiques, met en place les incitations, et crée un environnement réglementaire propice au développement des PME."

Aujourd’hui, on voit émerger des structures qui offrent plus qu’un espace ou une formation : elles créent des synergies, ouvrent des perspectives, accompagnent les entrepreneurs dans la durée. Bien sûr, tout n’est pas encore parfait — il y a des défis liés à la structuration, au financement, à la pérennité de ces initiatives — mais la dynamique est là. Et elle est porteuse d’espoir pour toute une génération de créateurs et créatrices d’entreprise.

"L’incubateur Pull Up Business Women soutient majoritairement les projets des femmes mais ne ferme jamais pas la porte aux hommes."

L’Entrevue Quelle est la part du Ministère de l’Industrie et du Développement des PME dans tout ça ?


Anita Youdie Mutima Le rôle du Ministère de l’industrie est non négligeable, car il définit les politiques publiques, met en place les incitations, et crée un environnement réglementaire propice au développement des PME.


Il y a eu des avancées, notamment à travers certains programmes de soutien ou de financement, mais je pense que le potentiel est encore largement sous-exploité. Les incubateurs, les entrepreneurs, les acteurs de terrain ont besoin de sentir que l’État est un allié actif, à l’écoute et réactif.


J’en appelle à une collaboration renforcée entre les structures publiques et les initiatives privées. Ce partenariat est essentiel pour faire émerger une économie nationale résiliente, inclusive et tournée vers l’avenir.


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L’Entrevue L’incubateur Pull Up Business Women soutient les projets des femmes congolaises et la constitution d’un écosystème favorable à l’innovation et au développement durable par leurs activités. Mais pourquoi aller jusqu’à créer un regroupement féminin ? L’entrepreneuriat n’est-il pas une arène, voire la seule arène, où les deux genres se battent à armes égales ?


Anita Youdie Mutima Que le mot ‘women’ ne vous intrigue pas. L’incubateur Pull Up Business Women soutient majoritairement les projets des femmes mais ne ferme jamais la porte aux hommes.


L’incubateur Pull Up Business Women a été conçu comme un espace catalyseur : un lieu où les femmes peuvent non seulement structurer leurs projets, mais aussi innover, se projeter dans le long terme et bâtir des entreprises durables, en lien avec les réalités locales et les enjeux de société.


La femme a tendance à se sous-estimer, et à limiter ses propres capacités. Ce groupement féminin les aide à s’exposer les unes aux autres, et favorisent des partages d’idées.

L’écosystème que nous bâtissons favorise l’émergence d’initiatives qui ne sont pas seulement viables économiquement, mais aussi porteuses d’impact. Pour cela, il faut parfois commencer par créer un espace à part, protégé, bienveillant, où les femmes peuvent se former, échanger sans jugement, accéder à des ressources sur mesure.


Est-ce que l’entrepreneuriat est une arène neutre ? Pas encore. Les femmes y entrent souvent avec moins de capital social, moins d’accès au crédit, et davantage de responsabilités familiales. Notre rôle, ce n’est pas de les isoler, mais de les renforcer. Le but, c’est qu’à terme, elles puissent évoluer librement dans tous les espaces économiques, sans devoir justifier leur présence ou leur ambition.

"Est-ce que l’entrepreneuriat est une arène neutre ? Pas encore."

L’Entrevue Aujourd’hui, à quelle hauteur pouvez-vous estimer le nombre d’incubées bénéficiaires de l’accompagnement de votre structure ; et combien d’entre elles ont atteint le stade de l’autonomisation ?


Anita Youdie Mutima Depuis la création de Pull Up Business Women, nous avons eu à encadrer 8 cohortes de jeunes et 4 cohortes de femmes matures, sans compter les bénéficiaires des projets que nous gérons en plus.


Grâce à notre programme, plusieurs d’entre-elles ont pu formaliser leur activité, augmenter leur chiffre d’affaires. La majorité des femmes accompagnées sont aujourd’hui autonomes, c’est-à-dire capables de prendre seules les décisions stratégiques, de mobiliser des ressources, et de faire croître leur entreprise de manière durable.


Mais au-delà des chiffres, c’est la transformation personnelle que je trouve la plus précieuse. Des femmes qui doutaient d’elles-mêmes se lèvent aujourd’hui pour former, inspirer, et même investir dans d’autres projets féminins. C’est ça, l’effet Pull Up.



L’Entrevue Pourquoi la société met-elle un accent majeur sur l’entrepreneuriat féminin ?


Anita Youdie Mutima L’accent mis sur l’entrepreneuriat féminin est le reflet d’une prise de conscience sociale. Ce n’est pas que les femmes entreprennent différemment, c’est que leur parcours est souvent plus semé d’embûches. Et tant que ces inégalités structurelles existeront, il sera pertinent d’en parler, de les nommer et de mettre en place des solutions spécifiques.


L’entrepreneuriat féminin ne devrait pas être vu comme un modèle à part, mais comme une composante normale de l’écosystème. Ce qu’on vise, c’est l’inclusion sans stigmatisation : que les femmes soient pleinement présentes dans tous les domaines — tech, agriculture, industrie, services — sans qu’on sente toujours le besoin de justifier leur présence par leur genre.


En résumé : l’accent est nécessaire aujourd’hui pour corriger une histoire d’exclusion, mais à terme, il devra s’effacer, au profit d’une égalité réelle et assumée.


L’Entrevue La femme congolaise, débrouillarde ou entrepreneure ?


Anita Youdie Mutima Je dirais que la femme congolaise est avant tout entreprenante. C’est un mot que je choisis volontairement. Elle n’est pas juste entrepreneure — au sens administratif ou économique du terme — ni débrouillarde — un mot qui peut parfois minimiser les efforts. Elle est entreprenante, parce qu’elle ose, elle cherche, elle innove, souvent dans des contextes très contraints.


Même sans les structures ou les soutiens formels, elle trouve des voies pour faire vivre sa famille, pour créer de la valeur, pour inventer des solutions. C’est cette énergie que nous voulons canaliser, structurer, professionnaliser. La femme congolaise n’attend pas qu’on lui donne une place, elle la crée. Et nous, en tant qu’acteurs de soutien, nous avons le devoir de reconnaître cette force, de la valoriser, et surtout de l’accompagner avec respect et ambition.


L’Entrevue Madame Anita Youdie Mutima, merci.


Anita Youdie Mutima Merci à vous pour cet échange. C’est toujours un privilège de pouvoir partager cette vision, ces combats et surtout, ces espoirs. Je crois profondément en la capacité de notre pays à se réinventer — et les femmes en sont un levier central. Continuons à bâtir, ensemble.

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