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Difficultés d’accès au financement pour les femmes en entrepreneuriat

  • La Rédaction
  • 9 oct.
  • 6 min de lecture

Dans un pays où l’entrepreneuriat féminin représente un véritable moteur de développement économique et social, les femmes entrepreneures de la République Démocratique du Congo continuent de se heurter à des difficultés majeures d’accès au financement. Alors que beaucoup d’entre elles évoluent dans des secteurs stratégiques, leur contribution reste souvent limitée par le manque de garanties, la prédominance de l’informel et des critères bancaires peu adaptés à leur réalité. C’est dans ce contexte que nous recevons Madame Hélène Gakuru, Directrice Générale Adjointe du Fonds de Garantie de l’Entrepreneuriat au Congo (FOGEC), pour échanger sur le thème : « Les difficultés de financement pour les femmes entrepreneures ».


Hélène Gakuru, Directrice Générale Adjoint du Fonds de Garantie de l'Entrepreneuriat au Congo, FOGEC
Hélène Gakuru, Directrice Générale Adjoint du Fonds de Garantie de l'Entrepreneuriat au Congo, FOGEC

L’Entrevue Madame la Directrice Générale Adjointe, quelles sont aujourd’hui les principales difficultés que rencontrent les femmes entrepreneures en RDC lorsqu’elles cherchent à accéder au financement ?


Hélène Gakuru La femme constitue une force du pays non seulement du point de vue numérique, mais également pour les valeurs qu’elle incarne : donner la vie, prendre soin du ménage, s’organiser… Cependant, sur le plan entrepreneurial, elle peine à prendre son envol et à exprimer le maximum de son potentiel. 


  • La principale difficulté est d’abord d’ordre culturel. Dans la plupart des cas, et ce dès l’enfance, la femme n’a pas été le meilleur choix pour les études. Certains parents ont préféré scolariser les garçons à la place des filles ; ces dernières ont de ce fait un niveau d’éducation et de littératie financière inférieur à celui de leurs homologues masculins.

  • De plus, on a consacré le succès de la femme dans le mariage : la jeune fille est élevée pour devenir une femme au foyer, une bonne épouse. Ce qui, sans être mauvais, est insuffisant. Conséquence : plus tard, au moment d’accéder au crédit, se sachant pas suffisamment formée, la femme pourrait ressentir la peur de se lancer et de l’échec. Il s’observe aussi que la femme est éduquée à dépendre totalement de l’homme, Chef du ménage, à y recourir pour toute décision par crainte de l’échec de ses actions.

  • A côté de cela, s’ajoute le manque de garantie. Les banques exigent comme couverture au prêt des garanties qui peuvent être immobilières, mobiliers ou matériels. Chose quasi difficile à obtenir pour la majorité des femmes, souvent non scolarisées, ou du fait du régime matrimonial de la communauté de biens qui nécessite l’autorisation de leurs conjoints, sans compter l’absence de biens fonciers ou de titres de propriété à leur nom, du fait notamment des pratiques coutumières réservant l’héritage aux hommes. Limitant ainsi l’accès des femmes à la propriété.

  • Il y a aussi le faible accès à l’information et à l’accompagnement de la femme entrepreneure. De nombreuses femmes entrepreneures n’ont pas accès à l’information sur les produits financiers ou les procédures pour solliciter des financements. La faiblesse des réseaux, l’accès limité au mentorat et à l’accompagnement technique aggravent cette situation, réduisant la capacité à concevoir des dossiers bancables.

  • Finalement, il y a le cycle de la vie : la femme doit mettre sa carrière en stop pendant l’accouchement et trouver le meilleur équilibre entre ménage et la gestion des enfants, puis s’adapter aux mutations que l’entrepreneuriat exige.

"Certaines femmes ont réussi à se lancer dans des activités plus grandes mais préfèrent encore se cacher derrière la crainte d’affronter les paiements fiscaux qu’elles estiment contraignants."

L’Entrevue Dans quelle mesure les critères exigés par les institutions financières constituent-ils un obstacle spécifique pour les femmes, notamment celles issues du secteur informel ?


Hélène Gakuru Aujourd’hui pour avoir accès à un crédit, les banques posent certaines conditions inadaptées à l’informel dont les principales sont les garanties ou hypothèques mais surtout la formalisation des activités entrepreneuriales. Si l’aspect garantie peut-être résolu en partie par le FOGEC et certains organismes internationaux qui couvrent les garanties des entrepreneurs auprès des banques, l’aspect formalisation en revanche s’avère encore difficilement soluble. En effet, il a été constaté que la majorité des femmes exercent des petites activités que l’on pourrait qualifier de survie. Elles sont généralement des femmes maraichères, des mamans « malewas », des vendeuses de pains, d’oranges... Mais ces dernières activités sont pour la plupart non enregistrées auprès de l’Etat. Certaines femmes ont réussi à se lancer dans des activités plus grandes mais préfèrent encore se cacher derrière la crainte d’affronter les paiements fiscaux qu’elles estiment contraignants. Il est donc impérieux de conscientiser les femmes, et c’est ce que nous essayons de faire lors de toutes nos conférences, sur la nécessité pour les activités des femmes de se formaliser et d’avoir la culture de paiement d’impôts.


L’Entrevue Selon votre expérience, quelles sont les conséquences de ce déficit d’accès au crédit sur la croissance et la pérennité des entreprises dirigées par des femmes ?


Hélène Gakuru Aujourd’hui ce manque de crédit limite la compétitivité des entreprises dirigées par les femmes et ne leur permet pas de s’épanouir. Et pourtant, si les femmes recevaient ces financements, elles arriveraient à diversifier leurs activités en investissant dans des secteurs à forte valeur ajoutée et de ce fait avoir une forte participation à l’économie. Toutefois, cette situation n’apporterait une pérennité que dans la mesure où ces fonds sont correctement utilisés.


L’Entrevue Le FOGEC a pour mission de faciliter le financement de l’entrepreneuriat congolais. Concrètement, quels dispositifs spécifiques sont mis en place pour soutenir les femmes entrepreneures ?


Hélène Gakuru A ce jour, le FOGEC n’a pas encore mis en place un produit dédié uniquement aux femmes. Nous sommes en pleine négociation pour une collaboration avec une Microfinance de la place qui permettra l’obtention des crédits pour des femmes, des mamans œuvrant dans l’agriculture sous couverture partielle de la garantie du FOGEC.


Dans l’ensemble, le FOGEC reçoit les dossiers des entrepreneurs congolais âgés de 18 à 65 ans, sans distinction de genre ; toutes les activités sont éligibles, exception faites des négoces, à condition d’être rentable, de créer de la valeur sur le plan national et être formalisé. Il est exigé aussi aux entrepreneurs d’appartenir à une structure d’encadrement et être en règle avec la fiscalité.

 

D’ailleurs pour sa première cohorte, le nombre de femmes ayant été financé était plus élevé que les hommes même si la tendance a baissé avec les 3 autres cohortes qui ont suivi. Nous espérons que la tendance pourra se relever comme au départ avec les sensibilisations faites auprès de la gente féminine.


"Aujourd’hui, le pouvoir public et les partenaires financiers mettent en place plusieurs dispositifs en vue d’améliorer l’accès au financement des femmes."

L’Entrevue Pensez-vous que le manque de culture financière et de formation en gestion constitue un frein majeur ? Et comment le FOGEC travaille-t-il à renforcer les capacités des femmes dans ce domaine ?


Hélène Gakuru La formation est un préalable capital à l’octroi du crédit. Il permet aux entrepreneurs de mieux connaitre leurs activités et de mieux les suivre. Elle leur procure aussi les fondamentaux sur les grandes lignes à suivre dans leur gestion quotidienne. Aujourd’hui, le FOGEC a décidé de s’appuyer sur les structures d’encadrement et de formation. Ces structures ont pour objectifs la formation des entrepreneurs. Le FOGEC prend le temps de visiter chacune de ses structures d’encadrement afin de s’assurer que les formations données aux entrepreneurs sont de qualité. A côté de cela, le FOGEC accompagne les sessions de formations par des sponsoring et en tant que paneliste à des conférences dans le but de permettre aux entrepreneurs d’être aguerris dans leur domaine mais aussi en matière de financement. Les entrepreneurs doivent s’avoir comment affecter les fonds qu’ils reçoivent et aussi comment rembourser les prêts sans pénaliser le quotidien de leur trésorerie.


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L’Entrevue Enfin, quelles réformes ou actions prioritaires recommanderiez-vous, tant au niveau des pouvoirs publics que des partenaires financiers, pour améliorer durablement l’accès des femmes entrepreneures au financement en RDC ?


Hélène Gakuru Aujourd’hui, le pouvoir public et les partenaires financiers mettent en place plusieurs dispositifs en vue d’améliorer l’accès au financement des femmes ; l’on compte en grand nombre par exemple des garanties bancaires destinées uniquement aux entrepreneurs femmes, ou des produits bancaires essentiellement modelées pour les femmes. A ce stade, je pense plutôt que j’encouragerai les femmes à sortir de leur cocon. Elles doivent oser au même titre que les hommes. Il est temps pour elles de sortir de leur zone de confort (ou d’inconfort où elles ont été confinées) et impacter positivement à la suite de ces nombreux avantages qui leurs sont aujourd’hui accordés.

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