Pow Shilo : "On n'a plus besoin de prouver notre talent, mais de le faire éclater au grand jour. Et pour ça, il nous faut [...] des Etats qui y croient ! "
- Cliver Bosoki
- 5 juil.
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Dernière mise à jour : 27 août
Dans une ère numérique où les cultures et mœurs ne semblent plus avoir des frontières, accroissant ainsi les chances de mondialisation, seuls les pays qui s’obstineront à préserver leur identité culturelle auront le pouvoir de souverainement exister. Et pour le cas de la RDC, celle-ci, pour préserver son héritage culturel immense et dynamique afin de le transmettre à ses jeunes générations, semble n’avoir d’autres choix que de se référer à ses récits. Mais en l’en croire, l’axe autour de ce secteur se confronterait à plusieurs contraintes et ambiguïtés qui parfois ne disent pas leurs noms.

Cliver Bosoki En comparaison des oeuvres anciennes et des icônes congolaises telles que Dieudonné Mwenze Ngangura, réalisateur du célébrissime film congolais La Vie Est Belle, Jean-Michel Kibushi Ndjate Wooto, Josef Kumbela, Petna Ndaliko, tous vivants, ainsi que vous Pow Shilo ; pensez-vous que l’industrie cinématographique congolaise d’aujourd’hui souffre-t-elle d’un manque de créativité criant ?
Pow Shilo Voilà une question qui mérite sa réponse. La créativité ne se mesure pas seulement en quantité d’oeuvres ; par contre, en profondeur, en moyens et en contexte.
En tant que réalisateur congolais, je dirais que quand je regarde Dieudonné Ngangura ou Jean-Michel Kibushi, je vois une intention claire, une recherche, une esthétique et une cohérence. Aujourd’hui, beaucoup de jeunes talents sont livrés à eux-mêmes. Ils ont des idées mais pas les bons outils. Le potentiel est là, mais il faut le former, le structurer, le guider. Il faut l’accompagner et non le juger.
Ce n’est pas la créativité qui fait défaut, c’est l’écosystème autour. L’héritage des grands noms comme Ngangura ou Kibushi n’est pas dépassé : il est en attente d’un dialogue avec la génération actuelle. Ce qu’il faut, c’est du bois, du vent et de l’oxygène pour qu’il devienne brasier.
Cliver Bosoki A l’image de Thierry Michel qui est un cinéaste belge, pourquoi les cinéastes congolais n’investissent-t-ils pas eux aussi dans la production des film-documentaires liés à notre histoire ?
Pow Shilo Très bonne question. Elle est, si je puis me permettre, très lourde de sens parce qu’elle touche à la mémoire, l’identité et la souveraineté narrative. En tant que cinéaste, congolais, produire un documentaire sérieux demande des ressources importantes : avoir accès aux archives, aux images de l’époque, voyager, avoir des techniciens spécialisés, le droit de diffusion, pour ne citer que ceux-là ! Or, la majorité des cinéastes congolais n’a pas accès à un système de financement structuré.
Des cinéastes comme Dieudo Hamadi, Patrick Kabeya et d’autres jeunes réalisateurs commencent à reprendre la parole, à produire des documentaires sur la mémoire, les conflits, le silence de l’histoire congolaise. Ce n’est pas encore massif mais c’est un mouvement réel. La relève est là, elle a juste besoin de soutien.
"Il est temps que la RDC reprenne le contrôle de sa production culturelle.”
Ce n’est pas le manque de volonté qui bloque les cinéastes congolais, c’est un manque de structure, d’accès, de sécurité et de reconnaissance. Nous avons l’histoire, nous avons le talent. Il nous manque juste les clés pour ouvrir les portes de notre mémoire.




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